LES QUALITES DU PROPHETE MUHAMMAD (PSL)

LES QUALITES DU PROPHETE MUHAMMAD (PSL)

 

  1. Les Qualités du Prophète

                        Par le Dr Muhammad Ali

 

  1. Le Prophète Muhammad vu par les grands penseurs de l'Occident

                        Par Cheikh Si Hamza Boubakeur, Ancien Recteur de la Mosquée de Paris


Citations :

« Après avoir lu le Coran, Goethe, le célèbre penseur allemand, s’interrogea :!

"Si tel est l'Islam, ne sommes-nous pas tous musulmans ?" »


  « Et comment ne pas s’émouvoir devant ce témoignage de Lamartine, le célèbre poète français :

"Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet…? Mahomet fut moins qu'un Dieu, plus qu'un homme : un Prophète"…»

* * *


Les Qualité du Prophète Muhammad

Ce chapitre, extrait de l’ouvrage «Muhammad, le Messager» de Muhammad Ali (1874-1951, Inde), constitue un excellent résumé des vertus si admirables du Dernier Messager de Dieu auxquelles le Seigneur convia les croyants à s’inspirer et à les prendre comme référence dans leur attitude quotidienne. C’est donc dire qu’il est indispensable à tout musulman sincère de bien s’instruire sur le comportement du Prophète et sur ses nombreux enseignements mais également, et c’est le plus important, de persévérer à s’y conformer du mieux qu’il peut dans la vie de tous les jours, car constituant l’infaillible miroir lui indiquant distinctement ses insuffisances de même que le but à atteindre en matière de pureté et de vertu… [Traduit de l’anglais par la Commission Scientifique Majalis.]


Chapitres

1- Le Modèle du Prophète

 - Sa Compassion envers les pauvres et les malheureux

2- Aucune tâche ne lui paraissait humiliante

 - Son Sens de l’Hospitalité

3- Sa Simplicité

 - Sa Bonté

4- Sa Nourriture

 - Sa Sincérité

5- Son Habillement

 - Son Sens du Pardon

6- Sa Négligence envers le confort terrestre

- Sa Modestie

7- Sa Propreté

 - Son Affection et sa Sensibilité

8- Son Attachement envers ses amis

- Son Respect pour autrui

9- Sa Générosité envers les ennemis

 - Son Courage

10- Son Impartialité dans la Justice

- Son Endurance

11- Son Humilité

 


LES QUALITES DU PROPHETE

« [Ô Muhammad !] Tu es assurément doté de vertus éminentes »
« Vous avez, avec le Messager de DIEU, un excellent modèle de conduite »
(Coran 64 : 4, 33 :21)

1- Le Modèle du Prophète


Interrogée sur le comportement du Saint Prophète, sa femme Aicha, le témoin le plus intime de sa vie privée, résuma ses qualités et son comportement en ces termes : «Le comportement du Prophète, c’est le Coran. » En d’autres mots, la vie quotidienne du Prophète fut l’illustration parfaite des enseignements du Coran et représente le symbole vivant de toutes les recommandations du Livre Saint. De la manière dont le Livre de Dieu constitue un code de conduite en vue de l’épanouissement des nombreuses facultés humaines, la vie du Prophète est la mise en pratique fidèle et l’illustration concrète de ces valeurs morales et spirituelles. C’est la raison pour laquelle tout musulman dispose d’une double source de conduite : le Saint Coran, en tant que principe, et la vie du Prophète, en tant que parfait modèle.

2- Aucune tâche ne lui paraissait humiliante


La sincérité fut assurément le trait le plus marquant du caractère du Prophète. Il aimait la vertu en soi. C’est donc dire que les vertus éminentes qui distinguent si remarquablement son caractère ne constituent point des qualités acquises mais plutôt des vertus innées faisant partie intégrante de sa nature profonde. Le Prophète avait l’habitude de tout faire de ses propres mains. Ainsi avait-il l’habitude, à chaque fois qu’il voulait donner de l’aumône à un mendiant, de la lui  remettre directement en main propre. Il avait également l’habitude d’aider ses femmes dans leurs travaux domestiques, de traire lui-même ses chèvres, de recoudre lui-même ses habits et de raccommoder seul ses chaussures. Il lui arrivait aussi de faire tout seul le ménage de sa demeure, d’attacher de ses propres mains son chameau et de le surveiller. Aucun labeur n’était jugé trop avilissant à ses yeux. Il travailla ainsi comme ouvrier dans la construction de la mosquée des musulmans [à Médine]. De la même manière, lorsqu’il fallut creuser une tranchée pour défendre Médine contre une incursion imminente de l’ennemi, on vit le Prophète à l’ouvrage dans les rangs des fidèles préposés à cette tâche. Il lui arrivait aussi de faire lui-même son marché, non seulement pour sa maisonnée mais également pour ses voisins et ses amis. En résumé, il ne dédaignait aucune tâche, aussi humble soit-elle, en dépit même de la dignité attachée à son titre de Prophète et de souverain. Il démontra, ce faisant, à travers son exemple personnel, que le statut social d’un homme, élevé ou modeste, ne constitue pas le critère fondamental de sa valeur véritable. Et que c’est, en définitive, les vertus propres et le degré de considération d’un homme envers ses semblables qui déterminent sa noblesse ou non. Ainsi l’humble artisan itinérant, le coupeur de bois et le porteur d’eau sont tous de respectables membres de la Communauté Musulmane, exactement au même titre que le riche commerçant ou le haut dignitaire…


3- Sa Simplicité

Tous les actes et mouvements du Prophète étaient caractérisés par la simplicité et le naturel. Son tempérament était par nature réfractaire à tout ce qui pouvait ressembler à de l’hypocrisie ou à de l’artifice.

Il n’hésitait pas, par exemple, lorsqu’il se trouvait sur une monture, à prendre derrière lui un autre passager en croupe, comme n’importe qui. Il n’aimait pas que ses compagnons se lèvent à son arrivée. Il le leur interdit une fois, en leur disant : « Ne vous levez pas pour moi comme le font  les peuples étrangers [envers leurs souverains]», avant d‘ajouter qu’il n’était qu’une humble créature de Dieu, mangeant comme les autres créatures mangent, s’asseyant exactement comme elles le font. Lorsqu’une fois, quelqu’un voulut embrasser sa main, il la retira en lui faisant remarquer que cela était un usage des étrangers envers leurs rois [et que lui n’était pas un roi]. Même lorsqu’un humble esclave l’invitait chez lui, il ne dédaignait jamais d’y aller. Il prenait ses repas en compagnie de personnes issues de toutes les classes sociales, sans distinction aucune. Lorsqu’il se trouvait dans une assemblée, il lui arrivait de garder le silence pendant de très longs moments. Et s’il avait quelque chose d’important à dire, il prenait alors la parole mais n’aimait pas parler pour ses propres intérêts. Il ne s’accordait aucune préférence sur les autres. Lorsqu’il marchait en groupe, il se trouvait souvent des gens qui marchaient aussi bien devant lui que derrière lui. Lorsqu’il était assis dans une assemblée, il ne faisait rien qui puisse le mettre en évidence par rapport aux autres, de sorte qu’un étranger ne pouvait souvent le distinguer des autres et était obligé de demander lequel d’entre eux était le Prophète (la Paix et les Bénédictions de Dieu soient sur lui). Telle était l’humilité de son comportement. Lorsqu’il était agenouillé au sol [au cours d’une prière en groupe], il prenait un soin particulier à ce que ses genoux ne dépassent pas ceux des autres. Il n’interrompait jamais ceux qui parlaient. Lorsqu’il y avait sujet à rire, il s’associait en toute simplicité au rire des autres à travers un simple sourire. Il avait l’habitude de parler si posément que les mots qu’il prononçait pouvaient être comptés et marchait si rapidement que ses compagnons étaient quelques fois obligés de courir pour se mettre à son niveau.

4- Sa Nourriture


Sa manière de vivre était également marquée par la simplicité. Quoi qu’on lui offrait, il l’acceptait toujours avec joie. S’il arrivait cependant que la chose offerte comporte un quelconque mal, il ne s’en nourrissait point mais n’en tenait pas pour autant rigueur au donateur. Il se nourrissait essentiellement de ce qui se trouvait à sa disposition, que ce soit des dattes, de l’orge, du blé, de la viande, du lait etc. Lorsqu’un repas somptueux lui était présenté, il s’en nourrissait également mais, par principe, n’en abusait pas et ne prenait qu’un seul repas à la fois. Il appréciait beaucoup la propreté et aimait particulièrement le miel. (...) Lorsqu’il était invité à manger chez quelqu’un, et qu’il se trouvait des hommes non prévus l’accompagnant à ce moment, il faisait tout pour éviter de mettre son hôte dans l’embarras et s’excusait poliment [de ne pouvoir honorer son invitation] aussi bien auprès de son hôte qu’auprès des intrus involontaires. Il se lavait les mains toujours avant et après les repas et se rinçait à chaque fois la bouche soigneusement.

5- Son Habillement


Son habillement était également simple. Il lui arrivait de porter des habits assez râpés sans pour autant dédaigner d’arborer un beau vêtement. Il n’appréciait pas, cependant, que les hommes portent des habits en soie pour ne pas paraître efféminés. Il prenait un soin particulier à la propreté de ses habits. Il se fit une fois faire une bague à cachet aux fins d’apposer un sceau aux lettres qu’il envoyait aux différents rois ; il consentira à porter cette bague au doigt bien après.


6- Sa Négligence envers le confort terrestre


Son habitat ordinaire consistait en de modestes chambres en terre cuite comportant comme tout ameublement un lit et une jarre d’eau ; c’est dans ce cadre sobre qu’il vécut, même après avoir conquis le Khaibar. A l’occasion de son mariage avec Safiyyah, le Prophète n’eut même pas les moyens d’organiser une fête pour honorer ses amis . C’est ainsi qu’il fut demandé à ces derniers d’apporter chacun son repas de sorte que la fête de mariage consista essentiellement ce jour-là en orge moulu et en dattes. Il arrivait souvent qu’aucun feu ne soit allumé dans la maison du Prophète pendant plusieurs jours d’affilée et que toute sa famille n’ait pour tout repas que des dattes et de l’eau. Il considérait ce monde-ci comme un lieu de passage éphémère.  « Ma situation », dit-il une fois, « est comparable à celle d’un voyageur qui, à midi, descend de sa monture pour faire une courte halte sous l’ombre d’un arbre, tout juste le temps de se reposer un petit moment avant de poursuivre son chemin.» Les considérations purement terrestres, les richesses de ce bas monde et son confort n’avaient, en réalité, aucun attrait à ses yeux...


7- Sa Propreté

A travers tous les actes du Prophète, la propreté s’alliait toujours harmonieusement à la simplicité. Il utilisait fréquemment un bout de bois frais en guise de cure-dent et se nettoyait les dents plusieurs fois par jour. Il prenait constamment soin de son corps, lavait et huilait souvent sa barbe et ses cheveux, les conservant toujours bien entretenus. Il se parfumait également souvent.


8- Son Attachement envers ses amis


Le Prophète avait un profond attachement pour ses amis. Ainsi lorsqu’il échangeait des poignées de main avec eux, il n’était jamais le premier à retirer la sienne et les accueillait toujours avec un visage souriant. Jarîr ibn Abdallah raconte qu’il n’a jamais vu le Prophète sans le sourire au visage. Il échangeait quelques fois des traits d’esprits et des plaisanteries innocentes avec ses amis. Il avait l’habitude de parler librement, sans affecter de retenue artificielle pour se donner un air de supériorité et sans jamais se vanter dans ses propos Il prenait souvent, tel un père affectueux, les enfants de ses amis dans ses bras. Et bien que ceux-ci le souillaient des fois, on n’observait nul signe de contrariété sur son visage. Il détestait la médisance et interdisait à ses visiteurs de dire du mal d’un de ses amis en son absence, car il préférait, disait-il, continuer à penser du bien de tous. Il était toujours le premier à saluer ses amis et à leur serrer la main. Il les appelait souvent par leur surnom en signe d’affection. Il continuait de se souvenir avec une tendre affection de la fidélité de Khadija, sa première femme, bien longtemps même après sa disparition. Zaid, son ancien esclave qu’il affranchit, lui était tellement attaché qu’il préféra rester avec le Prophète plutôt que de partir vivre avec son propre père dans sa ville natale [comme le sollicitait ce dernier]. Il considérait avec mansuétude les défauts des autres et évitait d’y faire allusion. Toutefois, au cours de ses sermons publics, il ne manquait point d’aborder la manière de se débarrasser d’un défaut particulier, sans donner l’impression à un quelconque membre de l’assistance d’être personnellement visé. Il abhorrait le faux et le mensonge. Il ne tenait nul compte d’une offense personnelle, aussi grande soit-elle. Par exemple, lorsque les archers musulmans délaissèrent la position qu’il leur avait demandé de garder à la bataille de Uhud, avec pour conséquence la perte de parents et d’êtres chers tout en étant lui-même blessé, il ne les fit jamais juger ou punir et ne les blâma pas non plus. Et en parlant de ceux d’entre eux qui avaient fui le champ de bataille, il se contenta de dire qu’ils s’étaient un peu trop éloignés du terrain d’action…


9- Sa Générosité envers les ennemis


La générosité du Saint Prophète, même à l’endroit de ses ennemis, constitue un cas unique dans les annales de l’histoire du monde. Abdallah ibn Ubay, [la tête de file des hypocrites à Médine] était ainsi un ennemi juré de l’islam qui passait tout son temps à comploter contre les croyants, allant même jusqu’a inciter les quraish et les juifs à écraser les musulmans. Pourtant, à sa mort, le Prophète pria le Seigneur de lui pardonner, allant même jusqu’à offrir son propre habit pour envelopper sa dépouille. Les mecquois qui lui firent endurer, durant son apostolat, les tortures les plus barbares, lui et ses compagnons, bénéficièrent tous d’une amnistie générale [lorsqu’il triompha d’eux et entra victorieusement à la Mecque].  Le traitement qu’un autre conquérant leur aurait infligé à sa place peut être facilement imaginé. Mais le sens du pardon du Prophète fut illimité ; ainsi treize longues années de persécutions et de conspirations furent totalement pardonnées et oubliées. Les prisonniers de guerre, estimés alors à près de 6 000, furent tous généreusement libérés. Aicha rapporte que le Prophète ne s’est jamais vengé d’un mal fait à sa propre personne. Il y eut certes des cas, quoique très rares et très isolés, où une punition se devait d’être infligée. Mais tous furent des cas de perfides trahisons de la part de personnes envers qui le pardon n’avait plus aucun effet de réforme ou de repentir. Et laisser de tels méfaits impunis aurait signifié ni plus ni moins qu’avaliser le crime. Ainsi, avec le Prophète, une sanction n’était jamais administrée tant qu’il existait la moindre chance que le pardon ait un effet dissuasif et, à défaut, soit une occasion pour le coupable de s’amender honorablement. Il faut préciser que cette générosité était étendue à toutes les croyances ; aussi bien aux juifs, aux chrétiens, aux idolâtres etc.


10- Son Impartialité dans la Justice


Dans l’administration de la justice, le Prophète était d’une impartialité implacable. Musulmans aussi bien que non-musulmans, amis ou ennemis, tous étaient égaux devant lui. Bien avant même d’être investi de la prophétie, son impartialité, son honnêteté et son intégrité étaient de notoriété publique dans son entourage, de sorte que les gens se référaient souvent à lui pour régler leurs différends [on le nomma alors Al-Amîn, l’Intègre]. A Médine, aussi bien les idolâtres que les juifs acceptaient volontiers son arbitrage dans toutes leurs disputes. Ainsi, en dépit de la profonde malveillance des juifs envers l’Islam, lorsqu’il arrivait au Prophète de juger une affaire opposant un juif à un musulman, il n’hésitait pas, le cas échéant, à trancher en faveur du juif même si les musulmans, fut-il l’ensemble de sa tribu, pouvait subir un grave préjudice à travers cette décision. Et il n’est pas difficile d’imaginer les préjudices que de telles déconvenues pouvaient occasionner pour l’Islam, en ces temps de faiblesse et d’épreuves. En résumé, le Prophète était le symbole vivant du verset coranique qui dit : « Que la haine contre un peuple ne vous incite pas à agir avec injustice. Soyez toujours équitables car cela est plus proche de la piété. » (5:8) Il avertit par exemple un jour sa propre fille Fatima que seules ses œuvres personnelles lui seraient utiles au Jour du Jugement et que si jamais elle se rendait coupable d’un mal, elle en serait punie comme n’importe quel autre membre de la communauté musulmane. Sur son lit de mort, il fit annoncer publiquement, immédiatement avant de rendre le dernier soupir : « Si je dois quelque chose à quelqu’un, il peut la réclamer. Si je n’ai jamais offensé quelqu’un, il a le droit de s’en venger… »


11- Son Humilité


Dans ses rapports avec les autres, il ne faisait jamais montre d’une quelconque condescendance et se conduisait juste en homme comme les autres. Il arriva une fois, alors qu’il occupait la position de souverain à Médine, qu’un juif à qui il devait une certaine somme d’argent vint le voir pour lui réclamer son dû en l’apostrophant en des termes très durs et fort grossiers. « Vous les Banî Hâchim », observa t-il railleusement, « ne payez jamais vos dettes une fois que vous réussissez à soutirer quelque chose de quelqu’un.» Omar s’emporta alors vivement contre l’insolence du juif mais le Prophète le réprimanda en lui disant : « Ô Omar, il aurait été beaucoup plus judicieux pour toi de nous ramener tous les deux à la raison : en m’incitant, moi, le débiteur, à payer ma dette avec reconnaissance, lui, le créditeur, à la réclamer d’une manière plus conciliante.»  Il paya alors au juif au-delà même de la somme due et ce dernier fut  si impressionné par le sens de la justice et la loyauté du Prophète qu’il se convertit à l’Islam.


Une autre illustration de son humilité fut donnée le jour où il se retrouva en campagne avec ses compagnons et que vint l’heure de la préparation du repas. Une tâche spécifique fut alors assignée à chacun, lui même se portant volontaire pour aller rassembler du bois pour le feu. Bien qu’étant un éminent seigneur, aussi bien spirituel que temporel, il accomplissait toujours sa part de travail comme un homme tout à fait ordinaire. Dans le traitement de ses serviteurs, il observait le même principe d’égalité. Anas rapporte ainsi qu’au cours des dix années qu’il demeura au service du Prophète, celui-ci ne le réprimanda pas une seule fois. Il n’admonestait jamais ses serviteurs pour les erreurs que ceux-ci commettaient et ne conservait jamais un homme en esclavage. Aussitôt qu’il acquérait un esclave, il se hâtait de le libérer. Au cours de toute sa vie, il n’avait jamais battu un serviteur ou une femme.


12- Sa Compassion envers les pauvres et les malheureux

Il a été observé que le Prophète n’avait jamais déçu un solliciteur. Il ne lui opposait jamais de refus brutal mais préférait plutôt le faire attendre dans l’espoir qu’un bien lui advienne entre-temps [pour satisfaire sa demande]. Il comblait les différentes sollicitations même au prix du sacrifice de son propre bien-être. Il nourrissait ainsi les affamés tout en ayant le ventre vide et n’avait pas usage de garder de l’argent par devers lui. En agonie sur son lit de mort, il envoya chercher tout ce qui se trouvait encore dans sa maison et le fit distribuer aux pauvres. Même à l’endroit des créatures primitives de Dieu, son cœur était rempli de miséricorde. Il parla ainsi d’un homme qui, un jour, tira de l’eau d’un puits pour étancher la soif d’un chien, que cet homme avait acquis le paradis par cet acte de bonté à l’endroit d’une faible créature de Dieu. Il fit également savoir une fois, à propos d’une vieille femme décédée, qu’elle était entrain de subir le châtiment d’outre-tombe du fait que, durant sa vie, elle avait la cruelle habitude d’attacher son chat et de le laisser affamé. Depuis sa prime jeunesse, il éprouvait une profonde compassion pour les veuves, les orphelins et les faibles sans recours. Il disait souvent : « Celui qui prend soin d’un orphelin est aussi proche de moi que ces deux doigts le sont, » en montrant son index et son majeur accolés. Le Saint Coran est également rempli d’une miséricorde semblable envers les pauvres et les faibles : « Vois-tu celui qui traite la Rétribution de mensonge ? C’est celui qui repousse l’orphelin et qui n’encourage pas à nourrir le pauvre. » (107 :1-3) Le Prophète pouvait endurer avec sérénité les plus dures épreuves qui le frappaient personnellement mais la moindre source de peine chez ses semblables le touchait toujours énormément. Il demeurait toujours du coté des opprimés et défendait les droits des femmes sur les hommes, ceux des esclaves sur leurs maîtres, ceux des gouvernés sur les gouvernants, ceux des sujets sur les souverains…

Il aimait beaucoup les enfants de sorte qu’à chaque fois qu’il marchait dans la rue, il prodiguait force tapes amicales et caresses à ceux d’entre eux qu’il rencontrait sur son chemin. Il ne manquait jamais de visiter les malades pour s’enquérir de l’état de leur santé et de les réconforter et se joignait également aux processions mortuaires.

13- Son Sens de l’Hospitalité


Avec le Prophète, le sens de l’hospitalité a atteint un rare sommet. Il prenait toutes les peines du monde pour s’occuper personnellement de ses invités, dans la mesure de ses moyens, et tenait à les servir lui-même. Lorsque le nombre d’invités était trop important à gérer pour lui tout seul, il répartissait le surplus entre ses compagnons qui, à l’instar de leur Maître, en prenait à chaque fois grand soin. Il leur arrivait quelques fois même d’offrir toute la nourriture dont ils disposaient à leurs hôtes, s’en allant au lit le ventre vide...


14- Sa Bonté


Le Prophète n’a jamais, au cours de sa vie, proféré des propos insultants. Ne prononçant jamais de termes agressifs, il l’interdisait de même aux autres. A chaque fois qu’il voulait sermonner quelqu’un, il le faisait avec un ton paisible et affectueux. Par exemple les juifs [de Médine] avaient l’habitude de l’aborder et de le saluer [en déformant la formule usuelle de salutation musulmane] par « Al-sâ’m-u-‘alaikum» (la mort soit sur vous) au lieu de « As-salâm-u-‘alaikum» (la paix soit sur vous). En remarquant cela un jour, Aicha ne put se retenir et s’emporta involontairement contre eux : « Puisse Dieu vous apporter plutôt la mort, à vous ! » Le Prophète la désapprouva alors en lui disant que Dieu n’aimait pas les propos agressifs…


15- Sa Sincérité


Son intégrité, sa vertu et sa sincérité furent unanimement reconnues dans toute l’Arabie [bien même avant son apostolat], au point qu’on le nommait en ces temps Al-Amîn, le Digne de confiance. Même son pire ennemi, Abû Jahl, reconnut qu’il ne le tenait pas en réalité pour un menteur mais que c’était plutôt le message qu’il apportait qu’il considérait comme faux. Un autre, Nadr ibn Hârith, témoigna également un jour de sa sincérité en présence de ses pairs, en leur disant :   « Muhammad a grandi devant vous et fut de tout temps le garçon le plus honnête et le plus loyal. A présent qu’il est devenu adulte et vous apporte un message, vous le qualifiez de mage. Par Dieu ! Ce n’est assurément pas un mage ! » Ainsi à chaque fois qu’il promettait une chose, il respectait son engagement dans les situations les plus délicates et même si cela devait lui coûter considérablement. Par exemple, il fut convenu, selon une clause de l’accord de Hudaibiyah [passé avec les idolâtres mecquois] que le Prophète s’engageait à renvoyer aux quraish tous les musulmans qui fuiraient la Mecque pour venir chercher refuge à Médine. Il s’en tint, par la suite, rigoureusement à cet engagement et l’appliqua dans des conditions qui affligèrent profondément les musulmans. En matière de chasteté et de piété, il fut également un parfait modèle. Il mena ainsi, en tant que célibataire, une vie éminemment pure de continence, jusqu’à [son mariage], à l’âge de vingt cinq ans, et même ses plus malveillants détracteurs ne purent trouver la moindre tâche sur le page immaculée de son caractère…


16- Son Sens du Pardon


Le sens du pardon fut un autre joyau étincelant du caractère du Prophète ; cette vertu ayant trouvé son expression la plus sublime en sa personne. Le Saint Coran lui enjoignit de « tenir fermement au Pardon », ce que le Seigneur  explicita ainsi : « Quiconque rompt ses relations avec vous, persévérez à renouer vos rapports. Quiconque refuse de vous donner, donnez-lui. Quiconque vous fait du mal, pardonnez-lui. » Ces injonctions ne demeurèrent point, avec le Prophète, lettre morte car il se conforma résolument à ces valeurs sous les situations les plus difficiles. Au cours de la bataille de Uhud, alors qu’il était blessé et tombé à terre, un de ses compagnons lui demanda d’invoquer la malédiction de Dieu sur l’ennemi. Il lui répondit alors : « Je ne suis pas envoyé pour maudire les hommes, mais en tant que [Messager] pour inviter les hommes vers le bien et à titre de miséricorde. », avant de prier « Ô Seigneur ! Accorde la bonne guidée aux gens de mon peuple, car ils ne savent pas… » Un bédouin le frappa un jour et lorsqu’on lui demanda par la suite pour quelle raison il pensait qu’on ne lui rendra pas la monnaie de sa pièce, il répondit qu’il savait que le Prophète ne rendait jamais le mal par le mal. Le sens du pardon dont il fit montre à la conquête de la Mecque constitue assurément un exemple sans précédent dans toute l’histoire de l’humanité. Toutes les tentatives imaginables furent entreprises [par ses ennemis mecquois] pour détruire l’Islam et ôter la vie à son Messager. Mais nul reproche ne fut émis à propos de ces graves méfaits [lorsque les musulmans les vainquirent]. Un pardon sublime fut étendu même jusqu’à un ennemi comme Abû Sufyan qui fit tout ce qu’il put pour combattre l’Islam, de même qu’à sa femme Hind qui se rendit notamment coupable de la barbarie innommable de mutiler le corps de Hamza [un oncle du Prophète].


17- Sa Modestie


Le Saint Prophète était extraordinairement modeste. Selon lui, la modestie fait partie intégrante de la religion, ce que d’ailleurs le Saint Coran confirme. Le Prophète était souvent blessé par l’ignorance des autres à son égard mais se gardait [par pudeur et mansuétude] d’exprimer une quelconque réprobation ; ce dont le Coran parle en ces termes : «Assurément, [votre manque de savoir-vivre] fait de la peine au Prophète, mais il se gênait de vous le dire. » (33:53) Il ne faisait jamais nommément allusion aux travers des autres et préférait exprimer ses remontrances d’une manière générale.  Toutefois, en matière religieuse, il ne manquait jamais de préciser lorsque quelqu’un était dans l’erreur. A la disparition de son fils Ibrahim, il y eut une éclipse solaire complète, ce que certains musulmans crédules prirent pour un signe de deuil céleste. Le Prophète n’aima point cette superstition et prononça, plus tard, un sermon pour expliquer qu’une éclipse n’avait rien à voir avec la naissance ou la mort de quiconque.


18- Son Affection et sa Sensibilité


Le Prophète avait un cœur très sensible et rempli d’affection pour son prochain. Son cœur se déchirait souvent de peine en constatant l’état de corruption morale de ses semblables ; ce dont témoigne le Coran en ces termes : « Il se peut que tu te consumes de chagrin parce qu’ils ne sont pas croyants » (26:3) Il prenait un grand intérêt au bien-être de ceux qui le suivaient, priaient pour eux et leur prédit même les malheurs qui leur arrivèrent plus tard et les en consola. S’il recevait une quelconque faveur d’une personne, il ne l’oubliait jamais le reste de sa vie. Ainsi, par fidélité à la mémoire de Khadija, sa première femme, il continuait d’envoyer des dons aux anciennes relations de celle-ci. Lorsqu’une délégation provenant du négus d’Abyssinie arriva à Médine, il veilla personnellement à leur confort. Bien que ses compagnons furent volontaires pour s’occuper entièrement des convives, le Prophète leur dit qu’il préférait les servir lui-même car ils avaient offert l’asile à ses compagnons durant leur exil [en Abyssinie, en des temps d’épreuves]. Et lorsque la fille de Hâtim Tâ’î fut faite prisonnière avec d’autres personnes, il dit que la fille d’un homme aussi généreux que Hâtim ne devrait pas rester prisonnière et tous les autres prisonniers furent en même temps libérés grâce à elle.


19- Son Respect pour autrui


Il faisait toujours preuve de beaucoup de considération aussi bien envers les vieux que les jeunes. Il se levait à chaque fois qu’apparaissaient son ancienne nourrice ou la fille de celle-ci, et leur étendait son propre manteau pour s’asseoir. Il avait également du respect pour sa propre fille. « Respectez vos enfants » fut une de ses nombreuses recommandations. Il insistait beaucoup sur la grande déférence due à la mère. « Le Paradis se trouve sous les pieds de vos mères», disait-il.


20- Son Courage


Tout en étant humble et doux au plus haut degré, le Prophète possédait le courage des grands héros. Jamais, en aucun moment de sa vie, il ne nourrit une quelconque crainte envers ses ennemis. Même aux moments où les mécréants ourdissaient des plans pour attenter à sa vie à la Mecque, il continuait de se déplacer sans peur parmi eux. Après avoir recommandé à ses compagnons d’émigrer de la Mecque, il demeura lui-même sur place, presque seul au milieu de ses ennemis. Même lorsque, au cours de l’hégire, ses poursuivants suivirent ses traces qui les menèrent à l’entrée de la caverne de Thaur, [étant à deux doigts de le retrouver], il ne se départit pas de son calme. « Ne t’en fais pas, [Dieu est avec nous]» consola t-il [Abu Bakr] son compagnon. Sur le champ de bataille de Uhud, alors que toute son armée s’était retrouvée piégée et fuyait en déroute, il continuait à rallier à haute voix ses soldats désemparés, sans tenir le moindre compte du danger envers sa propre personne. En une autre occasion, alors que le groupe des musulmans s’enfuyait, il avança tout seul vers l’ennemi, en criant : « Je suis le Messager de Dieu ! » Une nuit que les musulmans redoutaient un assaut, il fut l’un des premiers à assurer la garde de la ville de Médine. Au cours d’un voyage, alors qu’il se reposait seul sous un arbre, un ennemi survint à l’improviste et le surprit. Dégainant son sabre, l’ennemi lui cria : « Qui peut te sauver en ce moment contre moi ?»  Le moins du monde troublé, le Prophète lui répondit calmement : « Dieu. » Et, aussi étrange que cela puisse paraître, le sabre tomba aussitôt des mains de son ennemi. Reprenant alors le même sabre, le Prophète lui posa la même question à quoi il répondit avec avilissement ; le Prophète le laissa alors partir...


21- Son Endurance


Les biographies du Prophète (la Paix et les Bénédictions de Dieu soient sur lui), aussi bien celles écrites par ses partisans que celles de ses adversaires, sont unanimes dans leur admiration commune pour son endurance et sa détermination immuable dans les calamites les plus dures. Le désespoir et l’abattement lui étaient inconnus. Continuellement cerné de tous cotés par de sombres perspectives et par une opposition résolue, sa foi au triomphe ultime de la Vérité ne fut jamais un seul moment ébranlée. Les plus violentes tempêtes d’épreuves, de privations et de persécutions ne réussirent pas à le faire reculer un tant soit peu de son objectif. Il usait dans toute la mesure du possible des moyens octroyés par Dieu tout en confiant leur issue à Sa Grâce.  Les retournements de destins les plus inattendus ne purent diminuer son ardeur ou le décourager. Ainsi après le terrible désastre de Uhud, il se remit sans attendre à la poursuite de l’ennemi, le lendemain même. En un mot, sous les circonstances les plus pénibles et dans la dure adversité, son cœur continuait constamment de rayonner de la flamme du triomphe infaillible de la Vérité sur l’erreur…

* * *

Le Prophète Muhammad vu par les grands penseurs de l'Occident

A l'heure où la confrontation entre une certaine image d'un "Islam violent et intolérant" et la conception occidentale du monde paraît de plus en plus inévitable et atteint un niveau planétaire assez inquiétant, il nous a semblé opportun de fournir un certain nombre de matériaux de réflexion salutaires à même de rapprocher les deux versants de la fracture idéologique, à l'instar de cet important document (datant de 1979) du Cheikh Si Hamza Boubakeur, ancien recteur de la Mosquée de Paris ; texte qui, il faut le dire, incitant à un certain recul, devrait remettre fondamentalement en cause le coriace préjugé de la majorité des musulmans sur l'hostilité définitive des occidentaux envers leur religion. Les témoignages émouvants et sincères de grands hommes de l’Occident, sur la haute valeur du dernier Messager de Dieu (PSL) et de sa mission, figurant dans ce texte, constituent, en ce sens, un facteur de tolérance et d’acceptation mutuelle, seul fondement viable d’une coexistence pacifique des différentes civilisations humaines… Et comment ne pas s’émouvoir devant ce témoignage de Lamartine : "Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet…? Mahomet fut moins qu'un Dieu, plus qu'un homme : un Prophète"…

 

Le Prophète Muhammad vu par les grands penseurs de l'Occident

Par Cheikh Si Hamza Boubakeur, Ancien Recteur de la Mosquée de Paris


Il va s'en dire qu'un Prophète d'une envergure aussi grande que celle de Muhammad - Dieu le bénisse et le sauve - qui apportait au monde une religion éclairante, libérale, tolérante, universaliste et rivale du Christianisme, ne pouvait laisser l'Europe d'hier et d'aujourd'hui, dans l'indifférence. Les guerres, les polémiques devaient à elles seules, la forcer à porter des jugements de valeur sur le dogme et l'apôtre de l'Islam.


Jugements qui ont varié dans le temps et l'aire européenne, avant et après son émancipation intellectuelle consécutive à la Renaissance dont ont peut noter les premières lueurs dés la fin du XIIIe siècle ap. J-C., grâce à l'influence que l'Islam exerça sur l'Espagne, l'Italie, puis en France. La chrétienté qui n'a, durant des siècles, hésité devant aucun moyen, même les plus déloyaux, pour dénoncer l'Islam, a donné de notre Prophète une image déformée. L'hypercritique tendancieuse d'un orientalisme généralement hostile et de mauvaise foi, le colonialisme qui a partout trouvé dans l'Islam une force invincible opposée irréductiblement à son impérialisme et à son esprit de domination, ont également dressé une "muraille de Chine" entre l'Islam et le monde occidental, en calomniant l'homme qui en a été et demeure le vecteur et pôle de rayonnement.


L'ennemi des religions révélées, le diffamateur des Prophètes bibliques, le détracteur des Ecritures, l'intraitable et le moqueur Voltaire (m. 1778), s'est attaqué avec hargne au Coran et à son transmetteur. Dans sa tragédie Mahomet (1739), il présente le Prophète sous les traits d'un imposteur intolérant et sanguinaire. Il est vrai que dans cette pièce diffamatoire, il visait surtout le christianisme. Il la dédia malicieusement au pape, lequel, avec la même malice, lui adressa ses bénédictions. Néanmoins, ses lectures, un examen plus sérieux de l'histoire de l'Islam et des traductions du Coran, ses relations personnelles, le comportement plein de tolérance des Turcs à l'égard des Chrétiens finirent par le forcer à modifier son optique et son jugement. Il se ravisa donc et en toute objectivité écrivit, à propos du Prophète: "Il faut avouer qu'il retira presque toute l'Arabie de l'idolâtrie. Il enseigna l'unité de Dieu ; il déclamait avec force contre ceux qui lui donnent des associés… Il était bien difficile qu'une religion si simple et si sage enseignée par un homme toujours victorieux ne subjuguât pas une partie de la terre." (Voltaire, Œuvres Complètes)


Les inexactitudes de sa pièce, qui fut représentée en 1742, le tourmentèrent :  il en eu plus tard un peu honte et, en 1772, il revint sur la question : "Sa religion est sage, sévère, chaste, humaine : sage parce qu'elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés et qu'elle n'a point de mystères ; sévère parce qu'elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu'elle ordonne la prière cinq fois par jour !…. Ajoutez à tous ces caractères, la tolérance". (Voltaire, Œuvres Complètes)


Il n'en demeura pas moins accablé de remords, tracassé par ses injustes accusations contre Muhammad. Profitant d'une diatribe qu'il rédige  contre Jésus, il écrit : "J'ai fait Mahomet beaucoup plus méchant qu'il n'était." (Voltaire, Œuvres Complètes). Son contemporain , Johann-Wolfgang von Goethe (m. 1832) tenait le prophète de l'Islam en très haute estime et c'est sans doute sous son influence que le roi de Prusse Frédéric Wilhelm le Grand ordonna la construction de la première grande mosquée d'Europe occidentale à Mannheim. (Les dépenses afférentes à cette réalisation furent débloquées sur sa propre liste civile.)


Au siècle suivant, un autre adversaire des dogmes révélés, Ernest Renan (m. 1892), spécialiste des Ecritures Saintes, Professeur à l'Institut catholique de Paris, rompt avec l'Eglise, devient libre penseur et s'attaque à tous les dogmes révélés. Il écrit cependant à propos de l'Islam : "L'Islamisme est une religion sérieuse, libérale, une religion d'hommes, en un mot, froide et raisonnable" et ajoute, en un autre passage : "Je ne suis jamais entré dans une mosquée sans une vive émotion ; le  dirai-je ? sans un certain regret de n'être pas musulman " (Ernest Renan, Œuvres Complètes).


D'autres auteurs du même XIXe s. devaient, avec moins de réserve systématique, rejeter les délations calomnieuses de l'Eglise chrétienne et tenir le Prophète de l'Islam pour un homme exceptionnel. Le romantisme allemand d'abord, puis le romantisme français - Chateaubriand et Alfred de Vigny mis à part – à l'instar de Victor Hugo, à son retour d'Espagne et plus tard d'Algérie, ne manquèrent pas de créer un courant de sympathie en faveur de l'Islam et d'ouvrir la voie aux conversions.  La thèse, soutenue avec une insigne mauvaise foi par le clergé chrétien, selon laquelle "Mahomet était un imposteur", "l'apôtre de l'idolâtrie" et  "sa religion, celle de la polygamie et de l'esclavage" fut battue peu à peu en brèche et l'Islam fut de moins en moins injurié. "Mahomet était sincère. En faire un imposteur est une conception déshonorante… C'est un homme doué d'une personnalité originale, un messager qui nous apporte des nouvelles de l'Inconnu, de l'Infini…"  écrit le célèbre Carlyle (in Deuxième Conférence sur les héros de l'histoire). De son côté, Alphonse de Lamartine (m. 1869) rend, en ces termes, hommage à Muhammad et à son apostolat: "Jamais un homme ne se proposera volontairement ou involontairement un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : saper les superstitions imposées entre le Créateur et la créature, rendre Dieu à l'homme et l'homme à Dieu, restaurer l'idée rationnelle et saine de la divinité dans ce chaos de dieux matériels et figurés : l'idolâtrie. Jamais un homme n'a accompli en moins de temps une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins de deux siècles après sa prédication, l'Islamisme régnait sur les trois Arabie, conquérait à l'unité de Dieu la Perse, le Horasan, la Transoxiane, l'Inde occidentale, la Syrie, l'Egypte, tout le continent de l'Afrique Septentrionale, plusieurs îles de la Méditerranée, l'Espagne et une partie de la Gaule. Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet…? Mahomet fut moins qu'un Dieu, plus qu'un homme : un Prophète" (in Histoire de la Turquie).


Croire en un Dieu unique et tenir le Messager de l'Islam pour un vrai Prophète, c'est une conversion tacite au dogme coranique, car la conversion à l'Islam n'a rien d'un sacrement : c'est avant tout un témoignage (shahâda). On peut donc dire que Lamartine, sans l'avouer publiquement, était un musulman…


Si la connaissance de l'Islam fait des progrès parmi les  élites intellectuelles, si  des poètes comme Rimbaud (m.1891) font profession de foi islamique, les masses populaires restèrent, comme de nos jours d'ailleurs, ancrées dans leurs préjugés, hostiles et moqueuses à l'égard de ce qu'elles appellent d'un terme dédaigneux "mahométisme". Avec le XXe siècle cette connaissance objective s'élargit peu à peu malgré l'hostilité méprisante du colonialisme et la faiblesse de moyens de défense ou d'information des musulmans. Dans l'enseignement officiel européen, aucune place sérieuse n'est faite à l'Islam et  à sa civilisation dans les programmes scolaires. De son côté la communauté musulmane ne dispose d'aucune organisation de diffusion de sa religion. Elle n'a ni maison d'édition, ni centre de propagande, ni association de missionnaires comme les Pères blanc ou l'armée du Salut. L'Islam gagne cependant du terrain par lui-même et pour lui-même [1]. L'orientalisme si hostile à l'Islam rectifie parfois son tir et quelques auteurs font preuve de moins de parti pris. C'est ainsi que le Suédois Tor Andra, professeur à l'université d'Upsala, a pu écrire : "L'inspiration de Mahomet était authentique… Il est peu vraisemblable, en effet, qu'un homme puisse gagner la confiance de ses semblables d'une façon pour ainsi dire illimitée. Muhammad a compris sa vocation avec le plus grand sérieux ; il a senti son cœur trembler devant le Roi du Jugement dernier ; il a accompli sa tâche prophétique avec crainte et terreur." (Mahomet et sa doctrine). Cette affirmation est même plus catégorique chez Francesco Gabrieli, un universitaire italien qui écrit : "Quelques points au moins peuvent être à présent considérés comme acquis. Avant tout, l'absolue sincérité de Mahomet ." (Mahomet et les grandes conquêtes arabes).


Le regretté savant Gaudefroy Demonbynes a, par ailleurs, écrit en conclusion d'une longue enquête sur le Prophète de l'Islam : "Il a cru à la révélation descendue sur les Prophètes d'Israël ; il plaça à leur suite Jésus qui devenait leur prédécesseur, chargé d'annoncer son ultime et décisive mission. La main d'Allah le dirigea dans sa prédication, dans son activité politique, par la fondation d'un Etat, et dans la construction logique de sa réforme sociale… On rappelle son intuition d'une volonté du Tout-Puissant à ne révéler aux humains, par la voie de ses Prophètes, qu'une partie des destins qu'Il leur assigne. Muhammad ne fut pas un théologien, mais ce fut une âme supérieure et une intelligence exceptionnelle." (Mahomet)


On pourrait remplir tout un livre de citations d'hommes de science, de poètes, d'écrivains, de philosophes et d'artistes en faveur de l'Apôtre de l'Islam. Il existe à l'heure actuelle (1979) plus de deux cent quarante traductions du Coran dans les seules langues européennes (y compris, l'espéranto) ; les traductions sont innombrables dans les langues d'Asie, d'Océanie, d'Afrique et d'Amérique du Sud et du Nord. Chaque traduction consacre un chapitre plus ou moins long,  plus ou moins valable, à son transmetteur. On y note cependant une tendance à la sympathie de plus en plus nette.


Ce courant d'idées n'a pas laissé le Christianisme dans une hostilité figée contre la religion musulmane. Si Muhammad n'est pas encore réhabilité dans l'estime et la compréhension de son clergé, du moins les valeurs musulmanes sont-elles un sujet préoccupant pour les théologiens catholiques. Le dogme de l'Islam est l'objet de recherches sérieuses entreprises sous un angle de vue tout nouveau. Une telle modification d'attitude et d'esprit est due à l'œuvre considérable, à l'autorité et à la notoriété d'éminentes personnalités chrétiennes éprises de vérité, de tolérance et de fraternité humaines. Sont à citer dans cet ordre d'idées le père Don Miguel Asin y Palacios, le pasteur protestant W. Cantwell Smith, le pasteur épiscopalien W. Montgomery Watt, le regretté professeur Louis Massignon que nous avons eu le privilège de connaître d'assez prés. Leur probité intellectuelle et leur appréciation des valeurs musulmanes – Massignon comme son ami Charles de Foucault sont revenus au  catholicisme au contact de l'Islam, et après étude de son soufisme et de sa liturgie – les ont amenés à scruter, à analyser sans parti pris la réalité de l'Islam, à encourager les contacts avec les Musulmans et à dissiper les préventions. Grâce à leur loyauté, à leur science, à leur courage et à leur sincérité, la "muraille de Chine" est sérieusement ébréchée, la tolérance et l'intercompréhension ayant prévalu sur les polémiques stériles. Les vrais penseurs chrétiens, les ordres religieux d'hommes et de femmes étudient maintenant avec moins de préjugés  la puissance fécondante de la religion musulmane, la piété de ses adeptes, la valeur exceptionnelle de la mission de son Prophète, en un mot la spiritualité de l'Islam, les lumières captivantes de ses horizons, et ils les intègrent bon gré, mal gré, dans leur vision du monde. Néanmoins le dernier Concile œcuménique de Vatican II (1964), qui a rendu un hommage aussi vibrant qu'inattendu à la piété musulmane, n'a pas cru, pour autant, devoir dire un mot sur la personnalité de Muhammad, sans doute pour ne pas trop compromettre l'action missionnaire de l'église en pays musulmans [2].


Mais quoi qu'il en soit, on peut dire que dans les milieux chrétiens le cas de notre Prophète n'est plus "liquidée" par une formule commode, une expression injurieuse toute faite, mais examiné et médité. A son égard, les opinions reçues n'étant ni loyales, ni payantes, se transforment de jour en jour, et l'on constate déjà dans leurs travaux les prémisses "d'un charisme d'Ismaël impliquant une vocation de caractère directif dans un sens atomiste" (Cf. Saint Thomas, II, Ilae). "Puisque la foi d'Ismaël reste ouverte au mystère chrétien, la prophétie de Muhammad ne relèverait-elle point d'une grâce charismatique, orientée comme tout charisme à l'accroissement de l'Eglise ? L'Islam se présente comme une religion de devenir, comme une salle nuptiale où se tient le festin… L'Islam apparaît sous l'image habituelle d'une route. L'Incroyant s'est égaré. Dieu le ramène vers une voie droite… la direction de Dieu, c'est bien la grâce implorée cinq fois par jour par tout croyant dans sa prière". (Charles Ledit, Mahomet, Israël et le Christ). La lecture de ce livre, si plein de méditation, de confrontation sincère et de ferveur raisonnée, est à recommander à tout lecteur de bonne foi, ainsi que des biographies du Prophète, plus complètes, plus fouillées et historiquement valables que l'on doit à des chrétiens aussi fidèles à leur foi qu'honnêtes envers eux-mêmes et envers le prochain, en particulier un ouvrage que nous avons déjà cité, celui de l'archimandrite, le père Virgil Gheorgiu. Un autre livre très appréciable dans cet ordre d'idées, est celui du catholique Emile Dermenghem : La Vie de Mahomet. Ouvrage de bonne foi, objectif, bien charpenté, écrit par un croyant catholique assoiffé de spiritualité. Reprenant le même sujet, sous un angle différent, il écrit : "Mahomet est à coup sûr un Prophète de la lignée biblique, lyrique, inspiré, âme ardente, cœur intrépide, avec les grandeurs et les faiblesses humaines… Il a en commun avec Israël un monothéisme intraitable… Mais il fut, surtout au début, beaucoup plus prés des Chrétiens, affirmant la mission de Jésus, Messie, Verbe et Esprit de Dieu, sa naissance virginale, l'immaculée conception de Marie, insistant sur l'Antéchrist, la résurrection, le jugement dernier, la vie éternelle".


C'est ce qu'ont reconnu de nombreux savants, philosophes, écrivains, poètes, artistes européens qui se sont convertis à l'Islam, depuis Rimbaud jusqu'à Henry de Montfreid, en passant par Pierre Loti, Etienne Dinet et René Guénon pour ne citer que les Français. Après avoir vu le Coran Goethe devait dire, avant eux : "Si tel est l'Islam, ne sommes-nous pas tous musulmans ?".

 

 

 
 
 

 

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